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Détournement de clientèle

Il y a détournement lorsqu’une entreprise est parvenue à capter la clientèle d’une autre par un procédé déloyal (confusion dans l’esprit de la clientèle du concurrent, imitation, dénigrement, violation d’une obligation de non-concurrence par un salarié,…).

2 périodes :

  • PENDANT LA DUREE DU CONTRAT DE TRAVAIL

 

Fondements : obligation de loyauté et de fidélité

 

Code du travail : aucune disposition légale ou réglementaire relative au détournement de clientèle par le salarié n’existe.

Jurisprudence constante de la Cour de cassation : un salarié ne peut, sans manquer aux obligations résultant de son contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de son entreprise pendant la durée de son contrat, même en l’absence de toute disposition expresse dans son contrat de travail. L’obligation de loyauté est inhérente au contrat de travail, elle découle de l’article 1134 du Code civil.

« Cette obligation interdit au salarié de développer, directement ou indirectement, pour son compte ou celui d’un tiers, tout acte de concurrence à l’encontre de l’entreprise qui l’emploie pendant la durée de son contrat de travail comme pendant la suspension de celui-ci » (Rép. min. no 12211, JO AN, 24 août 1998).

Exemples : Le fait pour un salarié de poser sa candidature à un emploi auprès d’une entreprise concurrente de celle de l’employeur, sans l’en avertir, n’est pas contraire à l’obligation de loyauté qui lui incombe. Pas de licenciement possible (Cass. soc., 7 avr. 1999, no 96-45.135).

 

Le salarié qui a, durant son arrêt de travail pour maladie, démarché des clients de l’entreprise pour la société de taxis de son conjoint a manqué à son obligation de loyauté à l’égard de son employeur et a commis une faute grave (Cass. soc., 23 nov. 2010, no 09-67.249).

Sanctions : Le non-respect de l’obligation de fidélité et de loyauté rend impossible la poursuite du contrat de travail. La Cour de cassation analyse, en principe, ce manquement comme une faute grave, voire une faute lourde permettant à l’employeur de rompre le contrat immédiatement sans respect du préavis ni versement des indemnités de rupture (Cass 19 mars 2013 n°11-28481). C. trav., art. L. 1222-1

 

  • La création d’une entreprise concurrente est-elle fautive ?

Tout dépend du moment où cette entreprise est créée. Une fois que son contrat est rompu, un salarié a le droit de créer une entreprise ayant la même activité que celle de son ex-employeur sauf s’il se trouve soumis à une clause de non-concurrence.

Le seul fait de participer à la création d’une entreprise concurrente ou d’y apporter son concours technique, pendant l’exécution du contrat peut en soi constituer une faute grave dès lors que l’employeur n’en a pas été informé (Cass. soc., 17 oct. 2000, no 98-41.732 ; Cass. soc., 4 juill. 2007, no 05-45.977) ; peu importe que l’activité n’ait pas été destinée à démarrer avant la rupture du contrat.

A l’inverse, le salarié qui se prépare à créer son entreprise et en informe son employeur, a un comportement loyal et ne peut donc être sanctionné. (Cass. soc., 3 mai 1994, no 92-42.660).

 

Exemple : Un directeur de magasin qui, pendant les six derniers mois d’exécution de son contrat, constitue une société dont l’activité est identique, prend toutes les dispositions pour agencer et approvisionner son magasin, se procure des produits auprès des mêmes fournisseurs et informe la population, sur les lieux, de l’ouverture prochaine de son commerce, laquelle était intervenue le lendemain de la fin de son contrat de travail commet une faute lourde. Devant la perte de chiffre d’affaires de son employeur, le salarié a été condamné à lui verser des dommages et intérêts (Cass. soc., 16 mai 2007, no 06-40.062).

 

  • Inciter les clients à aller voir la concurrence est-il fautif ?

Oui, car le comportement déloyal du salarié porte atteinte aux intérêts de l’entreprise.

Exemples : Un conseiller du patrimoine, qui avait incité des clients de son employeur à effectuer des placements auprès d’établissements concurrents, a pu être légitimement licencié pour faute grave (Cass. soc., 10 mai 2001, no 99-41.300).

 

Faute grave pour une coiffeuse qui détournait la clientèle de son employeur au profit d’une ancienne salariée (Cass. soc., 22 janv. 1998, no 95-41.742).

 

Faute lourde pour un courtier en assurances ayant fait signer à des clients des ordres de placement au profit d’un cabinet concurrent dont il avait prévu de reprendre la direction (Cass. soc., 30 sept. 2003, no 01-45.066).

 

  • Peut-on licencier un salarié au motif que son conjoint a créé une entreprise concurrente ?

Que le conjoint travaille pour un concurrent ou qu’il ait créé une entreprise concurrente ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement. L’employeur ne peut en aucun cas justifier la rupture en invoquant ses soupçons, ses craintes ou des risques potentiels, seuls des faits objectifs imputables au salarié permettent un licenciement (Cass. soc., 3 nov. 1994, no 92-42.660).

 

 

  • EN DEHORS DU CONTRAT DE TRAVAIL

 

Fondements : Principe de non-concurrence / Abus de confiance / Acte de concurrence déloyale (Faute de l’art 1382 Cciv)

 

  • abus de confiance

Le détournement de la clientèle d’une entreprise par son ancien salarié, ne peut donner lieu à des poursuites pour abus de confiance que s’il s’est accompagné du détournement d’éléments matériels (dossiers, fichiers, documentations diverses, actes juridiques) car la nature incorporelle de la clientèle s’oppose à l’application de l’incrimination prévue par l’article 314-1 du Code pénal (Cass. crim., 9 mars 1987, no 84-91.977). Attention : le détournement ne peut donner lieu à une condamnation pénale pour abus de confiance lorsqu’il ne porte que sur « les stipulations juridiques qui en constituent la substance juridique ».

Cass. com., 14 juin 1983, no 81-14.202 ; Cass. crim., 21 juin 2011, no 10-87.671

 

Le détournement des listes des clients ou des fournisseurs d’un concurrent, souvent obtenues avec le concours d’un ancien salarié de ce dernier, notamment en vue de la constitution de fichiers, constitue un moyen classique de détournement déloyal de clientèle et de désorganisation des relations commerciales d’une entreprise rivale (Cass. com., 24 mars 1998, no 96-15.906, pour un agent d’assurance ; Cass. com., 30 janv. 2001, no 98-20.621 ; Cass. com., 25 juin 1991, no 89-20.506). Le détournement de la clientèle peut être réalisé par des moyens électroniques.

Exemples : Deux anciens salariés, embauchés par un concurrent, avaient installé, avant leur départ, sur les ordinateurs d’une société, de nouvelles règles de messagerie qui déroutaient les courriels en provenance de certaines adresses électroniques ou empêchaient la réception de ceux contenant certains mots-clés comme « devis », « tarif » ou commande (CA Versailles, 8 oct. 2008, BRDA 2008/24, no 20).

 

L’utilisation de l’adresse Internet de l’ancien employeur, mise à la disposition du salarié jusqu’à son départ, peut être déloyale (Cass. com., 31 mars 2009, no 08-12.554).

Le débauchage du personnel d’une entreprise de travail temporaire par des employés démissionnaires de cette entreprise, au moyen de son fichier, constitue également un acte de concurrence déloyale (Cass. com., 6 déc. 1977, no 76-11.735).

 

Pas de concurrence déloyale pour un ancien préposé qui a conservé des « tarifs clients » appartenant à la société qui l’employait, ces tarifs n’ayant pas, en l’espèce, de caractère confidentiel, la clientèle des professionnels ne manquant pas de se prévaloir des tarifs pratiqués par la concurrence pour bénéficier des mêmes avantages (Cass. com., 8 févr. 1982, no 81-10.331).

 

Pas de concurrence déloyale pour un ancien salarié ayant conservé un carnet sur lequel étaient consignés les noms des clients avec lesquels il avait entretenu des relations professionnelles (Cass. com., 5 mai 2009, no 08-14.220).

 

Le couponnage électronique, en ce qu’il permet à la fois la détection et la sollicitation systématique de la clientèle de concurrents, peut être assimilé à un détournement de fichier de clientèle. (Cass. com., 18 nov. 1997, no 95-17.445).

 

Détournement de clientèle : un directeur commercial qui utilise à des fins personnelles, et sans contrepartie, le matériel de l’entreprise ainsi que les moyens et le savoir-faire de l’employeur dans le cadre de son projet d’appropriation de l’activité et de la clientèle de la société (Cass. soc., 11 mai 1999, no 97-41.576).

La faute grave est caractérisée lorsque l’activité parallèle est exercée en méconnaissance d’une clause d’exclusivité (Cass. soc., 25 nov. 1997, no 94-45.437).

Concurrence déloyale : acte contraire aux usages du commerce, effectué dans le but de récupérer la clientèle d’une entreprise exerçant une activité similaire : dénigrement, imitation de la marque ou des produits, débauchage, détournement de clientèle, bref désorganisation de l’entreprise « rivale ».

Principe de la liberté du commerce et de l’industrie : le fait pour un commerçant d’attirer vers lui un client et de le détourner ainsi d’un concurrent n’est pas interdit (Cass. com., 18 févr. 1969 ; Cass. com., 10 févr. 1987) car il n’existe pas de droit privatif sur la clientèle.

Exception : il faut prendre en considération les moyens utilisés par une entreprise pour capter la clientèle de la concurrence exerçant son activité dans le même secteur afin de limiter les excès.

Code civil : aucune définition légale des faits constitutifs de la concurrence déloyale. Il suffit que les conditions édictées par l’article 1382 du Code civil soient remplies pour qu’une action en responsabilité puisse prospérer et obtenir des dommages-intérêts, c’est-à-dire, qu’il faut apporter la preuve :

- d’une faute ;

- d’un préjudice ;

- d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Cass. soc., 10 nov. 1998, no 96-41.308P

 

a) Qualité de concurrent

Il faut tout d’abord que les parties aient la qualité de concurrents.

 

b) Une faute constituée par un acte déloyal

La faute peut être intentionnelle ou de négligence. Tous les abus et agissements contraires aux principes du commerce peuvent être ainsi visés. Peuvent par conséquent constituer des actes de concurrence déloyale notamment :

— l’entretien d’une confusion ;

— le fait d’utiliser les recherches d’autrui, de s’approprier le travail d’autrui, ses efforts, son savoir-faire.

— l’embauche d’un salarié au mépris d’un engagement de non-concurrence auquel ce dernier était tenu et que le nouvel employeur ne pouvait ignorer.

le détournement de clientèle ;

 

c) Préjudice

Il faut en dernier lieu un préjudice. Le préjudice peut être direct ou indirect, certain ou éventuel. Le préjudice peut être d’ordre économique ou simplement moral (ex. : le fait de passer pour le « copieur » et non pour le « copié » aux yeux du public).

Le préjudice naît le plus souvent d’un risque de confusion dans l’esprit du public mais il peut notamment résulter :

de la dépréciation d’un signe ;

du détournement de la clientèle ;

de la perte d’une chance de développement ;

d’une gêne dans les initiatives commerciales ;

de la désorganisation interne de l’entreprise ;

de la perte de l’exclusivité sur le marché.

 

d) Lien de causalité

Un lien de causalité doit enfin être constaté. Celui-ci sera le plus souvent présumé. Bas du formulaire

Preuve des détournements : Il faut établir la manœuvre de captation du client.

Cass. com., 8 févr. 1982, no 79-12.174 ; Cass. com., 8 janv. 1991, no 89-11.367. ; Cass. com., 24 mars 1992, no 90-19.130 ; Cass. com., 8 nov. 1994, no 92-17.994.

Le seul fait pour un salarié d’avoir, en quittant un employeur pour un autre, causé un déplacement de la clientèle du premier vers le second, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale si aucun procédé déloyal n’a été utilisé (Cass. com., 8 janv. 1991, no 89-11.367 : ancien salarié ayant, à l’expiration de son contrat de travail, installé un commerce concurrent dans la même rue, « manquant à la plus élémentaire des obligations de loyauté »).

Pas de détournement de clientèle si :

- un ancien salarié qui, ayant créé sa propre société, décide d’envoyer une lettre circulaire à la clientèle de son ancienne entreprise. Il ne sera pas jugé coupable de concurrence déloyale, à condition que cette lettre circulaire ne comporte ni dénigrement, ni allégations mensongères (Cass. com., 13 mai 1997)

- les anciens employés d’une entreprise, embauchés par une autre, prouvent que les clients se sont adressés à eux « de leur plein gré, et pour des motifs tout à fait logiques » (CA Paris, 4e ch., 4 nov. 1981),

- l’importante société qui a conclu le contrat avec eux était déjà, antérieurement, leur « client potentiel » (Cass. com., 1er mars 1982, no 80-15.918).

- si l’agent d’assurance établit que les clients ayant résilié leur contrat avec la compagnie qu’il représentait faisaient partie de ses relations personnelles ou des membres de sa famille (Cass. com., 10 févr. 1987, no 85-14.861).

Détournement de clientèle si :

- un ancien salarié qui, ayant créé sa propre société, décide d’envoyer une lettre circulaire à la clientèle de son ancienne entreprise grâce à un fichier de clientèle détourné (de clients, de fournisseurs ou de personnels) (Cass. com., 6 décembre 1977)

- prospection systématique des clients du concurrent

- manœuvres déloyales qui consistent à se présenter faussement comme envoyé par le concurrent pour faire des propositions aux clients de celui-ci.

Sanctions : L’action pour concurrence déloyale permettra à la victime d’obtenir l’attribution de dommages et intérêts apprécié in concreto par le juge qui tiendra compte notamment de la répétition et de la durée des agissements déloyaux mais aussi de la perte de chiffre d’affaires, du manque à gagner, de la diminution ou de la dilution de la notoriété de la victime ou encore des économies que le concurrent a pu faire en copiant sur son voisin, et tout autre avantage qu’ont pu lui procurer ses agissements ou encore les bénéfices réalisés (CA Paris, 10 juillet 1986, Rothschild ). Parfois, il est possible d’obtenir la condamnation de la publication du jugement de condamnation dans la presse spécialisée ou sur internet afin que le public soit informé des pratiques déloyales commises par certaines entreprises et rien n’empêche la victime de publier elle-même ce jugement à ses frais et donc d’aboutir à un même résultat.

Date : 29 mai 2013

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